De et par : Gilles Perret, François Ruffin
Durée : 1h24
Genre : Documentaire
Synopsis : "C'est quoi ce pays d'assistés ? De feignasses ?" Sur le plateau des "Grandes gueules", l'avocate parisienne Sarah Saldmann s'emporte : "Le Smic, c'est déjà pas mal." D'où l'invitation du député François Ruffin : "Je vous demande d'essayer de vivre, madame Saldmann, pendant trois mois, avec 1 300 euros. - Admettons, mais une semaine, ça sera déjà pas mal". Alors : peut-on réinsérer les riches ? Une comédie documentaire, avec des rires et des larmes, qui met à l'honneur ceux qui tiennent le pays debout.
Le sentiment de malaise est là, palpable une bonne partie du film. S'il a voulu démontrer quelque chose, que l'outrance des propos tenus sur des plateaux télé est nourrie par l'ignorance, le réalisateur et député François Ruffin a sûrement réussi à le faire, mais l'essentiel est ailleurs. Certainement pas dans la confrontation caricaturale entre deux mondes que tout oppose.
En conviant une femme aisée – une juriste habituée aux formules à l'emporte-pièce et aux polémiques sur des chaînes d'information en continu, "C'est quoi ce pays d'assistés ? De feignasses ?" –, à passer une semaine auprès des personnes qui triment pour des salaires de misère, François Ruffin se demandait ironiquement s'il était possible de réinsérer les riches.
Le documentariste a dû convaincre son coréalisateur, Gilles Perret, de la pertinence d'une telle approche. "Franchement, faire un film sur cette bourgeoise, méprisante, arrogante, qui achète un collier Lagerfeld à son chien, qui traite les Français de "feignasses", de "bons à rien", ça me paraissait au-dessus de mes forces. Et je n'étais pas le seul : Clothilde, notre productrice des 400 clous, renâclait aussi. Mais François s'est montré persuasif…", confie-t-il.
L'approche démonstrative trouve très vite ses limites. Quel est l'intérêt de chercher l'approbation ou à convaincre une personne très aisée sur la volonté des personnes en situation de grande précarité à vouloir vivre dignement ? Et c'est là que le film prend une autre tournure.
Le documentaire va au-delà des émotions pour donner la parole à ceux qui en sont privés, à ceux qui n'ont jamais accès aux plateaux de télévision pour dire leurs vérités et contrecarrer le narratif dominant. Et l'on (re)découvre cette France invisibilisée, cette France qui se lève tôt pour pas grand-chose. Toutes ces personnes, broyées par la vie, ont enfin leur "droit de réponse", selon l'expression de Gilles Perret.
On oublie assez vite le dispositif mis en place par les réalisateurs (la jeune riche chez les pauvres) pour écouter, voir, Elie, Amine, Louisa ou encore Nathalie, l'ancienne femme de chambre, tenir un langage d'authenticité. Et à certains de se demander s'ils atteindront un jour l'âge de la retraite. Une sincérité bouleversante.
Au boulot ! est une succession de rencontres, aussi émouvantes les unes que les autres. Le documentaire dit aussi le fossé abyssal entre un discours politique et médiatique déconnecté et culpabilisant et la réalité d'un monde en souffrance. Au boulot !, un film social poignant, une fois la gêne dépassée